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Quand Lulu raconte...
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22 mars 2014

Bus Numéro Deux

Je me sens parfois, hors du monde, décalée. Le temps se suspend. Ou alors c'est moi qui me pose, là, juste à côté. Incapable d'être au monde, d'en faire partie intégrante. Le profond malaise et pourtant la certitude d'être dans le vrai, en dehors de toute banalité.
Les banalités, j'y arrive pas, c'est trop puissant pour moi.

Bus numéro 2. J'ai la musique dans les oreilles. J'aime tout particulièrement écouter de la musique dans le bus. Endroit idéal pour s'absenter et se fondre à la pluie, dehors, la vie dans les mains d'un inconnu, j'occupe le temps, pause musicale adorée, en pleine conscience.

Il pleut des cordes. Je suis au sec.

Une jeune femme est montée, et m'a demandé si elle pouvait s'asseoir à côté de moi.

Enfin j'ai supposé qu'elle m'avait demandé ça, je ne l'ai pas entendue. Elle est habillée comme un homme, son visage est presque masculin, elle porte les cheveux courts, pas très entretenus, une monture en métal, d'un autre temps, des bottines d'homme, une veste noire, trop grande pour elle.

Elle s’assoit, ou plutôt s'écroule en dégoulinant. Je sens, sans pour autant la regarder, qu'elle me parle.

Je soupire en silence, je ne veux pas tenir une conversation. Pourtant, la politesse me tape sur l'épaule. J'ôte une oreillette. Dans ses mains, son ticket trempé, qui pourra encore servir quand il sera sec et repassé. Elle n'arrive pas à le ranger dans la petite pochette en plastique jaune. Elle abandonne, dévastée.

« Pfffff. J'aurais pas du me lever. J'arrive même pas à faire ça... »

Elle a prononcé ça avec une telle tristesse, une telle lassitude dans la voix... Il faut être désespéré pour penser que sa journée est complètement foutue à cause d'un ticket de bus mouillé. J'ai aussi pensé que ce ticket détrempé était celui qui allait faire tout déborder. Qu'il était la cerise noire sur le gâteau raté. 

J'ai cru qu'elle allait pleurer. J'étais prête à jouer les Brigitte Bardot pour humains en détresse (ça marche à tous les coups avec moi, la victimologie) mais elle a continué à parler, et c'était très décousu, et je n'ai pas eu l’énergie de l'écouter. Parce que j'ai bien vu que mes réponses ne servaient à rien, parce que j'ai pris conscience qu'elle ne s'adressait pas à moi, mais juste à quelqu'un. Ça aurait pu être n'importe qui. Mais je ne voulais pas être n'importe qui, et je ne voulais plus l'écouter. C'était triste et fade. Et moi je voulais que ça me brûle.  Je ne voulais pas être là « en attendant ». 

 

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Commentaires
M
Faire preuve d'empathie, oui, mais à condition d'être entendue, "reconnue". Sinon à quoi bon! Parler dans le vide, s'adresser à quelqu'un qui ne t'écoute pas, qui soliloque, ce n'est pas la peine. Comme c'est difficile parfois la communication! <br /> <br /> <br /> <br /> Je te fais de gros bisous à partager avec ta merveille.
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