Clin d'oeil
Elle vit à Brest, il vit à Toulon. Elle coiffe un petit bout d'ouest, quand son petit marin attend son affectation. Plus de mille kilomètres les distancent, mais tant de sentiments les soudent aveuglément, qu'ils avancent, l'un vers l'autre, en même temps, l'un pour l'autre. Elle raconte son petit bout de vie, elle l'écrit. Elle pense souvent à sa grand-mère, qui l'accompagne entre ciel et terre. Elle passe un examen, elle a trop de boulot, mais ça ne fait rien. On verra demain. Elle prend le temps, souvent. Et le train, de temps en temps.
Elle est vietnamienne, Elle rêve de paysages d'Irlande et de farniente marocaine. Elle est surtout folle amoureuse, jalouse, a trop de kilos, mais pourtant "choco-accro" , accro à tout ce qui se mange, et à tout ce qui est beau. Et puis elle voudrait prendre un bain, se marier, attendre demain, dormir le matin, regarder la télé, faire des enfants, tenir ses promesses, et parler à sa maman. Elle a toujours froid quand il n'est pas là. Et elle aime lui lire ce roman, à haute voix. Sur la toile, elle s'est perdue. Mais Lulu l'a trouvée et l'a lue. Elle écrit si bien. La lire, c'est comme une balade au jardin.
Elle est maman de jumeaux, et là Lulu dit "Chapeau". Elle est au bord de la crise de nerfs, parce que les petits bouts qui mettent la maison à l'envers, ça fait bouillir les artères, c'est Clair. Elle coud aussi, des trousses, des poules, et c'est très joli. Elle aime la musique, et comme Lulu, elle a des goûts très éclectiques. Elle écrit comme on parle et Lulu se régale. Elle rêve de soirées "resto-ciné", puis rentrer avec son homme et s'installer dans le canapé, sans les draps des enfants à changer, sans une machine à faire tourner, sans un repas à préparer, sans coca sur un costume renversé.
Elle voyage et elle peint, c'est une bourlingueuse, un pinceau à la main. Elle porte des lunettes roses. Ça enlève à la vie son côté morose. Sa chevelure est Blanche, comme une avalanche. C'est une chercheuse aussi, Lulu a même envie de dire, spécialisée dans le pillage des archives des mairies. Elle retourne sur ses pas, ramassant un à un les petits cailloux blancs, semés au fil des siècles par sa famille d'avant. Lulu l'imagine parfaitement, les yeux rivés et pourtant habitués sur ce parchemin, qu'un bisaïeul a écrit en français ancien.
Quatre femmes que Lulu va lire chaque soir, parce-qu'elles lui ouvrent les portes de leur histoire. Lulu tenait à les remercier de l'avoir fait entrer. Si ça ne les ennuie pas, elle aimerait bien rester …