L'autre côté de la terre
Une presqu'île, où son coeur a élu domicile, une ville indescriptible qui la met dans un état fébrile, presque fragile. Lointains souvenirs indélébiles, Lulu le sait, au fond de son âme, elle y est. Tous ces endroits, tous ces quartiers, elle les reconnaît. Mais d'où peut bien venir tout ça, c'est ça qu'elle ne sait pas. Et la meilleure façon d'éclaircir ce mystère, c'est d'y mettre pied à terre. Elle veut sauter dans un avion, laisser de côté sa phobie, laisser la place à l'émotion, et atterrir à Newark ou à Kennedy, enfin ça, c'est bien le dernier de ses soucis.
Elle voudrait seulement comprendre, ou tout au moins essayer. Essayer d'expliquer d'où vient ce long frisson, cette incroyable intensité, les yeux écarquillés, mouillés, cette impression de déjà y être allée. Et tout ressentir au premier degré.
Une tour attaquée, Lulu est touchée. La deuxième tombe et Lulu s'effondre.
Affolée, paniquée. Inconsolable, autant de sanglots que de larmes pendant qu'elle allaitait son bébé. Ça lui paraît bien démesuré mais c'est pourtant ce qui s'est passé. Et c'est ce qu'elle cherche à s'expliquer.
Et en y allant pour de bon, peut-être que l'évidence aura le premier rôle. Ou peut-être pas. A la limite, peu importe. Qu'il y ait un fait révélateur, un choc, un déclic ou non, elle a ce besoin d'y être, au moins une fois.
New York lui fait de l'oeil, Manhattan la taquine et l'appelle, alors elle ira, le coeur aussi léger que serré, le feu au ventre et les joues rosées, comme on va au premier rendez-vous d'un amour passionné.
C'est pour quand ? C'est une très bonne question et elle vous remercie de l'avoir posée. Mais elle ne veut surtout pas le prévoir, quelle drôle d'idée.
Un jour, elle saura qu'il est temps, que c'est le bon moment, elle prendra son passeport et filera à l'aéroport.
Et là, fini de faire marche arrière, elle s'envole de l'autre côté de la terre.